Lire en classe Entraînement à la lecture suivie en autonomie

, par Elisabeth Michaud

Comment faire lire en classe de troisième neuf livres différents dans le cadre de l’entraînement à la lecture suivie en autonomie tout en préservant une lecture plaisir et fluide ?

Il est indispensable dans l’enseignement d’une langue étrangère d’entraîner les élèves à la lecture d’un livre en autonomie mais force est de constater que nos élèves lisent de moins en moins et se lassent très vite d’une lecture sans cesse interrompue par des fiches de travail qui ont pour but de lever les entraves à la compréhension ou de vérifier leur compréhension. Il m’a donc semblé intéressant de proposer une autre forme de travail basée sur la lecture en travail de groupe ce qui à première vue peut sembler dénué de sens : lire à plusieurs ! Pourtant, il s’agit bien là d’utiliser cette forme de travail comme aide à la compréhension et comme source de motivation.
Je propose donc chaque année de lire dans une classe jusqu’à neuf livres différents tout en préservant la lecture plaisir. Chaque équipe doit ensuite présenter ce livre à la classe de manière attrayante afin que le groupe ait envie de lire ce livre.

Ma manière de procéder est assez directive pour obtenir une production satisfaisante des élèves qui ne sont pas habitués à travailler de cette manière. Dans une classe de 29 élèves par exemple, je constitue sept groupes de trois élèves et deux groupes de quatre. Chaque groupe lit un livre différent et chaque élève a son propre livre qui appartient au collège (acheté sur les crédits d’enseignement en deux ans).

La consigne donnée aux élèves est de lire les chapitres individuellement et silencieusement à leur rythme dans le groupe et de faire une pose de régulation à la fin de chaque chapitre. Ils doivent ensuite discuter de ce qu’ils viennent de lire pour voir s’ils ont bien compris la même chose puis constituer ensemble le résumé en allemand du chapitre qui sera relevé par l’enseignant à la fin de l’heure. J’ai pu alors constater que les élèves défendent leur point de vue, discutent et relisent spontanément le passage s’ils ne sont pas d’accord entre eux. Dans cette mise en œuvre le professeur s’efface au profit de la tâche à réaliser. Il observe et n’intervient qu’en cas d’urgence s’il constate qu’un groupe a mal compris un chapitre. Il fait relire la consigne si les élèves ne la respectent pas. L’aide est fournie par la forme même du travail en groupe et la lecture plaisir n’est pas interrompue par toute une série d’exercices de vérification de la compréhension à condition de choisir des livres assez faciles à lire (exemple : Langenscheidt / Leichte Lektüren).

Les élèves ont accès au dictionnaire bilingue mais ce dernier n’est pas sur les tables ainsi ils doivent faire la démarche d’aller le chercher dans l’armoire. Ils sont d’abord actifs et responsables de leur travail devant le groupe puis devant le professeur. J’ai souvent été étonnée de voir des élèves faibles houspillés par leur camarade pour se mettre au travail car le groupe a un délai à tenir et l’élève qui ne travaille pas ou plaisante retarde l’équipe.

Il est cependant nécessaire de prendre quelques précautions avant de se lancer dans ce genre de travail . Il faut en effet entraîner les élèves aux différentes stratégies de compréhension de l’écrit en amont ainsi qu’à l’utilisation du dictionnaire bilingue. Il faut réfléchir à la constitution des groupes. J’ai décidé de les constituer moi-même avec une hétérogénéité raisonnable. Les livres sont également imposés au groupe suivant leur niveau de difficulté. Il est donc important de bien connaître ses élèves dans leur comportement et leurs compétences avant de mettre ce travail en œuvre.

Les consignes doivent être très précises et je les donne toujours par écrit afin que l’élève puisse s’y reporter au cours des différentes séances. Il est indispensable de fixer un échéancier avec l’élève. Je compte environ trois heures de lecture puis deux heures pour préparer la présentation du livre à la classe. L’élève aura également connaissance des critères d’évaluation des diverses activités qui suivront cette lecture.

L’évaluation de cette tâche est source de réflexion pour l’enseignant car on peut se demander si la notion de note est compatible avec la notion de plaisir ? Cette question m’a incitée à proposer plusieurs formes d’évaluation.
 L’élève peut évaluer la tâche qu’il a accomplie avec une fiche du style :Ce que j’ai aimé / pas aimé / ce qui pose encore problème lors de la lecture suivie pour moi/ ce qui me paraît plus facile /Pour moi lire en vo c’est : / ce n’est pas / Un camarade va lire un livre ou un extrait quels conseils lui donnerais-tu ?
 Il peut évaluer son travail dans le groupe, ce qui constitue un retour très important pour l’enseignant : Je me suis senti(e) à l’aise / oui non / le groupe m’a aidé à comprendre / oui non / j’ai pris facilement la parole / à quelle occasion……J’aimerais le refaire / oui non …..
 L’élève peut évaluer le livre avec cette grille : Le passage que j’ai le plus aimé / le moins aimé/ je donne une note au livre.

Lorsque chaque équipe présente son livre à la classe, j’évalue chaque membre de l’équipe avec des critères décidés au sein de la salle de classe avant l’activité de lecture. Ainsi je prends en compte l’intelligibilité de la présentation, son originalité, la capacité des élèves à rendre compte du livre sans dévoiler la fin, et la correction grammaticale. S’il y a une bonne entente entre les élèves, cette évaluation peut d’ailleurs prendre la forme d’une inter-évaluation c’est-à-dire que les élèves évaluent l’équipe qui présente avec le professeur et on fait la moyenne des notes obtenues.
Les présentations sont très diverses : pièce radiophonique / vidéo / images numériques où les élèves sont acteurs et il faut mettre le bon passage en dessous du bon texte/ jeux de l’oie …Les élèves doivent donner envie de lire aux autres car leurs camarades pourront emprunter un de ces livres pour une lecture autonome à la maison dans le cadre d’une démarche volontaire.

Enfin, on peut évaluer les compétences acquises par les élèves pour comprendre un extrait d’œuvre qu’ils n’ont jamais lu en temps limité avec une grille de vérification de la compréhension.
Cette forme de travail dans la lecture n’exclut pas bien entendu d’autres mises en œuvre avec des fiches de travail qui trouvent tout leur sens lorsque l’on veut aborder un texte plus difficile. Il s’agit simplement de motiver les élèves avec des lectures accessibles, de leur montrer qu’ils ont les compétences pour lire seuls en langue étrangère et qu’ils peuvent s’entraîner avec plaisir.

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