Les mots clés des nouveaux programmes Mme Beauvallet, IA-IPR d’Espagnol

Intervention du 12-10-05

Journée portes ouvertes du CRL-Buc

Axe de travail : nouveaux programmes et innovation

1. Hélène Adrian : l’architecture des nouveaux programmes de collège (notion de palier, une perspective réaliste, qui n’est pas celle du locuteur natif ; évaluation, certification) ;

2. Dolorès Beauvallet : les mots clés du nouveau programme

Outil d’aide aux apprentissages, le Cadre européen couvre l’ensemble des domaines de l’enseignement des langues, ce que dit bien son sous-titre : apprendre, enseigner, évaluer. Ce qu’induisent le Cadre et les nouveaux programmes qui leur sont adossés, c’est une attitude
pédagogique renouvelée, et qui concerne à la fois les élèves, les professeurs et l’institution, institution qui encourage de nouveaux modes d’organisation de notre travail et une évaluation de la
performance par le biais des certifications (cf. la circulaire du 1° septembre).

De quelles pratiques de classe le Cadre et les programmes sont-ils porteurs et quelles attitudes pédagogiques induisent-ils ?

C’est là qu’il convient de nous de nous interroger tous ensemble sur de vieilles pesanteurs qui justifient, en partie du moins peut-être, les mauvais résultats des élèves français aux évaluations internationales de langue. A l’heure actuelle, l’élève reçoit passivement une matière que le professeur transmet à grand peine compte tenu des effectifs souvent
pléthoriques, qui obligent à une relation frontale où l’élève reçoit mécaniquement de solides savoirs, grammaticaux notamment, sans qu’on se soucie réellement de ses savoir-faire.

La perspective actionnelle :

L’approche du cadre trouve sa meilleure expression dans la perspective dite « actionnelle ». On voit se dessiner le réseau de sens : action, agir, activité. La visée du Cadre rejoint celles des différents pédagogues du XX° siècle qui prônent des méthodes actives, Freinet notamment.

D’après le préambule commun du programme du collège, la perspective actionnelle « considère l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches ».

Nous sommes peu préparés à cette approche : la tradition de l’enseignement des langues est plutôt orientée chez nous vers une optique savante : si innovation il y a, elle est bien et avant tout dans la remise en question de cette approche traditionnelle, pour lui substituer une perspective où l’élève est défini comme un apprenant, c’est-à-dire un sujet qui prend une part active à la construction de son savoir et de ses compétences. Cela induit des pratiques de classe spécifiques qui mettent l’élève au centre de l’acte pédagogique. Cela suppose une
redéfinition des objectifs, des approches, des contenus de notre enseignement.

La notion de tâche

La notion de tâche se trouve au coeur de cet édifice. Le Cadre dit à son propos (p.121) : « L’exécution d’une tâche par un individu suppose la mise en oeuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un ensemble d’actions finalisées… ».

L’entrée par la tâche doit d’abord modifier le regard de l’élève sur son travail et sa progression comme il doit modifier son rapport à la langue. Les objectifs formulés en termes de tâches concrétisent les activités de classe, les résultats attendus et induisent la démarche d’évaluation selon des approches différentes. Elle est source de motivation, c’est-à-dire de plaisir, dans la mesure où elle parle à l’imagination des élèves.
Les tâches fédèrent donc les élèves et donnent sens aux activités de classe, à condition qu’elles ne deviennent pas des activités mécaniques coupées du sens et du besoin authentique
d’expression et de communication.

Si les tâches ne sont pas forcément langagières, on retiendra dans une perspective scolaire, celles qui sollicitent la compétence à communiquer des élèves. Le cadre commun doit être perçu comme un outil qui trace la voie d’une programmation linguistique rigoureuse, ce qui n’a rien à voir avec un activisme stérile.

Cet « ensemble d’actions finalisées » peut être mené par un seul élève ou en groupe. On voit l’intérêt pour un groupe d’élèves impliqués dans la réalisation d’une tâche collective : cohésion, rapprochement d’intentions et de volontés autour d’une réalisation commune,
responsabilisation face à soi-même, à ses camarades, autonomie progressivement conquise.

Entre tâche et ressources langagières à développer chez ses élèves, entre tâche et stratégies (de communication, d’apprentissage) à mettre en place, le rôle du professeur est de guider l’élève, à partir des compétences linguistiques propres à chacun, dans l’adoption de
stratégies spécifiques qui lui permettront de répondre à la tâche à accomplir. C’est cette pédagogie fondée sur l’action qui lui permettra de développer ses compétences linguistiques (phonologiques, grammaticales, lexicales).

Bien sûr, la réalisation de tâches exige que soient pratiquées et maîtrisées une ou plusieurs activités langagières, en fonction de la nature et de la spécificité de l’acte de communication visé. On entraîne aux activités langagières à partir de supports authentiques et variés. Cette variété est un élément fondamental pour soutenir, renouveler l’attention et l’intérêt des élèves.

Les supports sont de nature différente en fonction de l’activité proposée à la classe : textes, images, sites web, menus, dépliants touristiques, panneaux indicateurs, bulletins météo, courrier (carte postale, emails…). Ces documents authentiques sont des supports et non simples prétextes à la répétition mécanique de faits de langue ; ils constituent le point d’appui d’une réflexion propice aux échanges et à la prise de parole.

Dans cet esprit, il convient d’élargir le champ des activités de la classe en mettant à profit toutes les occasions, scolaires notamment (élection des délégués, préparation d’une sortie, exploitation des semaines thématiques, etc.) qui offrent des situations aussi proches que possible de l’authenticité.

De nouvelles modalités de travail

Les nouvelles modalités de travail, induites par le cadre et les nouveaux programmes, sont soutenues par l’institution : groupes de 20 d’élèves en classe terminale, périodes intensives au collège, organisation des groupes classes en fonction des activités langagières.

De nouveaux modes d’organisation sont requis et souhaités à tous les niveaux : il s’agit en classe d’adopter des formes de travail diversifiées : plénière, binômes, groupes adaptés aux types activités conduites et à la nature de la tâche. L’introduction des demis groupes au lycée allait déjà dans ce sens.

Une telle organisation porte en soi l’idée d’une approche différenciée des activités : il s’agit de confier des activités différentes selon les élèves mais convergeant vers une tâche finale : cela suppose que l’élève au sein d’un groupe restreint sache précisément ce qu’il doit
faire, ce qui passe par une définition précise de la tâche ; cela suppose répartition des rôles et distribution de la parole en fonction du rôle de chacun, puisque chacun aura sa part dans la réalisation
de la tâche.

L’élève trouve donc ses ressources en lui-même, chez ses camarades, dans le groupe, dans les supports variés et de toute nature mis à sa disposition, notamment en direction des nouvelles technologies. Le Centre de Ressources en langue est à cet égard exemplaire : depuis
plusieurs années déjà, les équipes réfléchissent à des pratiques de classe transférables d’une langue à une autre et favorisant une mise en actes ou en actions des activités des élèves. Un certain nombre de séquences, largement fondées sur cette approche active, sont proposées en ligne. Notons au passage que la notion d’interlangues, qui est au coeur du site des langues de Versailles et du CRL, participe grandement de cette approche renouvelée.

Rôle du professeur : il est guide, répétiteur, modérateur des activités
communicationnelles, il entraîne aux diverses activités. Il s’agit pour lui de préparer la prise de parole, de la distribuer, de l’évaluer. Le Cadre, et c’est sans doute par là qu’il innove en premier lieu, a introduit une progressivité dans la description des compétences avec les notions d’échelle et de palier. Il rend possible une évaluation fiable car relative (il n’y a pas de note absolue) dans tous les domaines d’activité, l’écrit bien sûr, mais aussi l’oral. Evaluation à laquelle il importe que l’élève prenne part, dans une auto-évaluation bien comprise, et dans une inter-évaluation, les groupes s’évaluant entre eux, les élèves s’évaluant au sein de chaque groupe. Le sens de l’évaluation s’en trouve changé : loin de l’évaluation
traditionnelle qui sanctionne des manques, elle permet de repérer des réussites.

Enseigner l’oral

Cette façon de faire induit un rapport différent à l’oral en général et aux échanges en particulier : L’interaction orale est développée par le travail en groupes, en binômes, pour la présentation d’un jeu de rôles, d’un jeu théâtral, pour un échange proposé en contexte social (reportage…).

A la suite du Cadre, les programmes font de l’oral une priorité : un oral affirmé, assumé, évalué.
Entre interaction et prise de parole en continu, le domaine des activités
d’expression orale est vaste : répétition, lecture, récitation de poèmes appris par coeur, réponse à une intervention, dialogue, résumé, récit. C’est en y exposant les élèves que le professeur leur permettra d’acquérir une palette de moyens linguistiques riche, efficace et nécessaire pour la langue étrangère.

Enseigner l’oral suppose que la forme du message ne prime pas sur le sens. L’élève doit pouvoir hésiter, se reprendre, aller au bout de son propos, répéter, se corriger…sans qu’on l’interrompt pour le corriger ou améliorer son expression. Si le professeur est garant de la correction linguistique, il doit respecter l’envie de s’exprimer des élèves, et ne pas risquer d’affaiblir leur prise de risque et de parole par un souci excessif et prématuré de formalisme. Ainsi, le professeur encourage la participation et les progrès en valorisant chez l’élève les capacités et les atouts plutôt que les défaillances.

On s’attache donc, dans les situations de classe, à privilégier l’intelligibilité du discours produit à la correction formelle. Dan une pratique renouvelée, la compétence linguistique se construit très progressivement et de façon active, et non pas à partir d’une accumulation de règles qui pourraient faire obstacle à la communication.

Les échanges

On voit l’intérêt d’échanges authentiques qui soient l’occasion de parler pour dire et non pas pour répéter des structures dans une situation de classe ritualisée. L’élève ne parle pas pour ne rien dire : la prise de parole se prépare par le choix de supports et d’activités authentiques et qui font sens. Parmi celles-ci, les échanges doivent occuper une place à part : en classe, toute activité est entachée d’un certain rituel où tout est programmé et ne laisse pas de part à ce qui fait la spécificité de la parole : la parole suppose une réaction de la part de celui à qui elle s’adresse. Cette réaction est par nature imprévisible.

Les échanges de toute nature (virtuels, épistolaires, rencontres) sont à privilégier dans la mesure où ils sont pour l’élève un espace de liberté et d’authenticité en langue étrangère. Il importe donc de promouvoir et de mettre en place des échanges avec des correspondants bien réels, d’où l’intérêt de projets ambitieux comme l’E-twinnings et de la correspondance en tandem qui ouvrent la porte de l’authenticité et permet l’appropriation à des fins personnelles (et non plus scolaires) de cet outil formidable qu’est la langue.

Officiellement adopté par les institutions françaises, le Cadre européen prône une approche renouvelée des pratiques de classe dans un souci de re-dynamisation de l’enseignement des langues. Re-dynamiser ne signifie pas tout remettre en cause : c’est en partant de nos savoir-faire, qu’on parviendra à les infléchir pour prendre au cadre européen ce
dont nous avons besoin pour faire de nos élèves des locuteurs compétents en langue vivante.

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