Regards croisés sur la baladodiffusion...

, par Emmanuelle Artault

1) Depuis combien de temps utilisez-vous la baladodiffusion avec vos élèves ?

 Elisa [1] : Cela fait à peu près cinq ans.

 Karine [2] : J’utilise la baladodiffusion depuis maintenant trois ans. Nous n’avions jusque là équipé des élèves de 3ème , puis cette année, mon principal souhaitait tenter l’expérience avec les 6ème bilangue et il a eu raison, ils adorent ça. Il restait assez de baladeurs pour équiper également la classe de 3ème européenne, ce que nous avons donc fait.

2) Comment utilisez-vous la baladodiffusion avec vos élèves ?

 Elisa : J’ai testé plusieurs concepts au fur et à mesure que je me sentais plus à l’aise : mon iPod personnel pour enregistrer quelques élèves occasionnellement en classe, quelques lecteurs Mp3 prêtés à des élèves en classe, une classe entière équipée d’iPod à l’année grâce à une expérimentation lancée par le Conseil Général des Yvelines, des voyages scolaires avec le Mp3 comme compagnon de voyage…

  Karine : Les élèves sont équipés d’un iPod pour une année scolaire grâce à un financement du Conseil Géneral du 92. Ce matériel fait partie intégrante du matériel d’espagnol, c’est à dire qu’il va et vient entre le collège et la maison. L’iPod peut servir en classe comme à la maison pour s’entraîner à la compréhension orale et à l’expression orale. Puisque les phases d’entraînement sont primordiales, un carnet de bord suit chacun des élèves. Sur ce carnet de bord figurent mes commentaires pour une meilleure continuité dans l’entraînement.

Suite à des échanges avec mon Inspectrice Pédagogique Régionale, j’ai mis en place un petit journal bi-mensuel, avec des faits d’actualité, une chanson à la mode, une bande-annonce de film. Au bout de deux semaines nous faisons un petit point avec les élèves sur ce qui les avait le plus émus, intéressés, choqués…
La baladodifusion permet de prendre en compte le niveau de mes élèves dans chaque activité langagière car je peux prévoir deux compréhensions orales de difficulté différente (que je découpe avec le logiciel Audacity).

https://langues.ac-versailles.fr/spip.php?breve103

Enfin, je peux faire travailler mes élèves par groupe d’activités langagières pendant un même cours : un groupe fait une compréhension orale, pendant qu’un autre fait une compréhension écrite, mais toujours dans le but de revenir à un moment de mise en commun et d’échange ensuite en classe.

3) Qu’en pensent vos élèves ?

 Elisa : au départ, ils sont toujours un peu intrigués du fait que nous utilisions des outils « nouvelle technologie » qu’ils ont souvent dans leurs poches pour un usage pédagogique. Cela suscite un intérêt flagrant. Puis vient un second temps d’inquiétude….se retrouver seuls, face à un micro n’est pas chose facile pour des adolescents (entendre sa voix, devoir se réécouter…). La première fois est souvent un cap à passer. Puis finalement, ils se sentent rassurés de s’exprimer sans le regard des autres, tranquillement, à la maison, et cela vous réserve parfois quelques surprises ; les élèves se livrent plus, osent plus face à une clé Mp3 … Finalement, l’outil s’intègre tout naturellement au cours de langues et les élèves vous demandent régulièrement : « Madame, on pourra le faire sur les clés Mp3 ça ? » !

 Karine : Les élèves sont toujours séduits et prennent cela pour une marque de confiance. Ils adorent s’enregistrer en classe en groupe car ils s’amusent beaucoup. Ils aiment aussi s’enregistrer à la maison, dans leur bulle, loin du regard des autres. Je le sais car les travaux que je récupère ensuite sont d’une qualité bien supérieure, tout particulièrement pour la lecture.

Puisque les iPod sont synchronisés avec ma bibliothèque, les élèves ne peuvent rien y mettre. C’est le petit bémol. C’est la raison pour laquelle j’essaie d’inclure beaucoup de chansons dans mes séquences pour qu’ils puissent les ré-écouter et les chanter à volonté.

4) Qu’est ce qui vous enthousiasme le plus dans la baladodiffusion ?

 Elisa : Lorsque des élèves d’habitude un peu faibles en compréhension orale, s’étonnent d’avoir compris plein de choses !! Ils sont en fait plus concentrés une fois les écouteurs dans les oreilles et rassurés par la touche pause. Le ficher audio devient un document qu’ils peuvent maîtriser, à leur rythme, en faisant des pauses et en réécoutant.

  Karine : Ce qui m’enthousiasme le plus est que même les plus récalcitrants en redemandent. Jamais je n’ai entendu souffler un élève lorsque je demande telle ou telle tâche pourvu qu’il faille prendre l’iPod. Et ce sont même eux qui me demandent une séance avec l’iPod si j’ai le malheur de ne pas m’en être servi pendant quelques cours. C’est tellement plus motivant.

Je pense que cela pourrait être dû au fait que les élèves produisent un travail qui perdure dans le temps , qu’ils pourront réécouter ou revisionner s’il s’agit par exemple de doublage de film sur leur iPod. Par ailleurs, une sélection de travaux est mise en ligne sur le blog de la classe, élèves et parents peuvent donc s’y rendre. Cela leur permet de montrer, de partager ce qu’ils font en classe également et ils en sont fiers.

5) Qu’est ce qui vous étonne le plus dans la baladodiffusion ?

  Elisa : Le silence qui règne lorsque chaque élève a mis ses écouteurs et est concentré sur son activité. Cela est même un peu déstabilisant la première fois.

  Karine : Le fait que les élèves prennent très facilement en main l’iPod. Il n’ a plus de secret pour eux au bout de quelques utilisations et ils y découvrent même des jeux ! L’iPod fait partie intégrante de leur quotidien et s’en servent même comme réveil…

6) Ne perd-t-on pas en communication ? Le travail ne devient-il pas trop individuel ?

 Elisa : Je ne crois pas non. Le travail de baladodiffusion entraîne souvent un travail individuel, mais cela n’est qu’une première étape. Il est ensuite primordial de reconstruire le sens en classe entière, de retourner à une phase de travail plus collectif.

  Karine : Il est évident qu’il ne faut pas perdre de vue l’objectif premier de nos cours de langue vivante : la communication. S’entraîner de façon individuelle au long de la séquence est très efficace. Mais il est évident que pour rien au monde je ne priverais la classe de moments de complicité comme lors de certains dialogues pour lesquels les élèves se déguisent par exemple ou lors de visionnages de vidéos amusantes. Il faut trouver le juste milieu.

7) Cela prend du temps la baladodiffusion, non ?

 Elisa : Eh oui ! Mais le reste aussi…. Pensez à vos paquets de trente copies d’expression écrite…vous verrez, tout est relatif en fait !

  Karine : Oui, cela demande du temps et de l’organisation. Pour la compréhension orale, il faut trouver des enregistrements, des vidéos, les convertir si besoin, synchroniser en classe. Heureusement qu’il y a Audio-Lingua (www.audio-lingua.eu) qui propose des fichiers mp3, libres de droit et facilement téléchargeables ! Pour les expressions orales, il faut synchroniser pour récupérer les travaux, et les écouter à la maison. Mais je gagne en précision dans mes conseils, dans l’évaluation, et dans la correction car tout est individualisé. Cela vaut le coup !

8) Pourriez vous faire sans ?

  Elisa : Oui bien sûr. Mais les élèves s’entraîneraient moins, seraient moins souvent évalués…et surtout, ne seraient pas d’accord !

  Karine : Il existe certes des labos de langue utilisables dans une simple salle informatique, mais il faut la réserver. Nous pourrions aussi utiliser le matériel des élèves avec un envoi par courrier électrique ensuite mais le travail ne se ferait dans l’enceinte du collège et tous les élèves n’ont pas accès à internet chez eux. C’est le caractère nomade de la mallette et sa souplesse d’utilisation qui m’ont séduite.

9) Comment se procure-t-on un tel matériel ? Quel est son coût ?

  Elisa : J’ai commencé très modestement avec mon Mp3 personnel en classe. Ensuite, j’ai commencé à utiliser les quelques Mp3 personnels des élèves. Puis le Conseil Général des Yvelines nous a proposé de participer à une expérimentation avec la mallette Apple et trente iPods. (Ce matériel est assez coûteux, environ 150€ pour un iPod).

Nous avons ensuite voulu étendre ces utilisations qui ne concernaient qu’une seule classe à tous nos élèves et nous avons donc acheté une dizaine de clés Mp3 (environ 40€ la clé) sur nos crédits pédagogiques (sur deux années... Eh oui, nos crédits pédagogiques sont maigres… ). L’année suivante, nous avons fait une demande sur les crédits d’équipement de l’établissement et nous avons donc réussi en deux ans à avoir une « classe mobile Mp3 » avec trente clés que tous les collègues peuvent utiliser et ainsi proposer ce type de travail à tous nos élèves. Nous fonctionnons donc avec un planning où les collègues de langues s’inscrivent pour emprunter la classe mobile pour une heure de cours, pour une journée ou pour une semaine en fonction de l’utilisation qu’ils en font en classe.

Je pense qu’il faut commencer modestement avec les moyens que nous avons et ensuite savoir où s’adresser pour étendre le projet (crédits pédagogiques, crédits d’équipement, demande spécifique au Conseil Général en montant un projet…).

Il faut savoir également que les CRDP prêtent du matériel pour des périodes plus ou moins longues. Il ne faut pas hésiter à se renseigner. Cela permet de plus, de tester le matériel avant de faire un achat définitif.

  Karine : En ce qui me concerne, le Conseil Général du 92 souhaitait mener une expérimentation sur l’usage de la baladodiffusion en classe de langue. C’est mon collège qui a eu la chance d’être choisi. La meilleure chose à faire est de s’adresser à son conseiller de bassin car l’achat de la mallette iPod est très couteux et un établissement ne peut le financer seul.

10) Faut-il être un crack en informatique ?

  Elisa : Non bien sûr ! Je pense qu’il faut avoir envie de « bidouiller », c’est cela le plus important. Et ne pas hésiter à échanger avec des collègues sur la technique. On est toujours plus riches à plusieurs !
Le CNDP a par ailleurs sorti un petit guide de la baladodiffusion qui est très bien fait et qui vous rassurera quant à l’aspect technique.

https://langues.ac-versailles.fr/spip.php?article331

Enfin, n’oubliez pas que des stages Tice sont proposés chaque année dans les CRDP et à la MDE 78.

http://www.mde78.fr/spip.php?article125

Il y a aussi des stages Tice et disciplinaires proposés au Paf chaque année. Vous trouverez certainement ce dont vous avez besoin.

http://www.paf.ac-versailles.fr/consultation.asp

Enfin, si votre établissement se dote d’un matériel spécifique, sachez que vous pouvez demander un stage d’établissement s’adaptant à vos besoins spécifiques.

 
Karine :
Si vous avez déjà utilisé un MP3 quel qu’il soit, vous saurez vous débrouiller. Se posent parfois des problèmes de format qu’il faut convertir, mais internet recèle de logiciels gratuits de conseils, de tutoriels pour nous aider. Il suffit de chercher un peu.

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